Mulhouse, petit bourg né vers l'an 1.000 dans un confluent marécageux, entre dans l'histoire lorsqu'un empereur du Saint Empire Romain germanique lui octroie le statut de ville libre impériale.
Au cœur d'un nœud de communication, les Mulhousiens développent de multiples activités artisanales derrière leurs remparts et cultivent la vigne sur la colline du Rebberg. Le pouvoir politique et économique est entre les mains des bourgeois, émanation des organisations corporatives toutes puissantes.
Pour se protéger des visées des empereurs et d'autres envahisseurs, Mulhouse conclut des alliances, d'abord avec les villes de la Décapole alsacienne, puis avec les cantons suisses, auxquels elle reste liée jusqu'en 1798.
Auparavant, les Mulhousiens adhèrent à la Réforme, dont les préceptes dominent pendant près de trois siècles. En 1746, la création des premières manufactures de tissus imprimés entame la rupture avec un demi millénaire de corporatisme médiéval et lance la ville dans la révolution industrielle.
Mes travaux présents sur le site illustrent plusieurs phases de l'histoire de cette ville singulière :
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![]() du 19 janvier 1515 |
![]() [1522-1523] |
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![]() de W. Boeing en visite chez son oncle et en apprentissage au sein de l'entreprise Aviatik à Mulhouse. |
![]() à cheval sur les deux variantes du dialecte alémanique ; véritable tableau des mœurs de son époque. |
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Je remercie aussi André Heckendorn qui par sa connaissance des archives de Mulhouse et de son histoire, a pu me procurer certains documents d'époque peu connus, fondamentaux quant à la connaissance de l'histoire de cette cité à la fois si attirante et à nulle autre pareille. |
Bonne visite
A Mulhouse, en Alsace annexée par l'Allemagne depuis la défaite de 1870, une petite équipe de sportifs est enthousiasmée par les exploits des hommes volants.
Comme les frères Wright et Farman, ils sont tous champions cyclistes et ont été applaudis maintes fois au vélodrome de la Doller, l'un des plus modernes d'Europe. Comme Blériot, ils sont passionnés de mécanique.
Tout d'abord, Georges Chatel né à Mulhouse en 1874, a créé en 1901, Passage Central, une petite entreprise de réparation et vente de cycles, particulièrement Peugeot qu'il affectionnait.
Aidé par Jules Spengler né en 1873 à Mulhouse, l'atelier Chatel va s'occuper d'accessoires automobiles, de vente et après-vente. Il obtient les concessions des plus prestigieuses marques de voitures, aujourd'hui disparues, ainsi que celles de Peugeot, Renault, Daimler-Benz et Opel.
Très vite, l'emplacement du "Passage Central" devient trop petit et un terrain est acheté à Bourtzwiller en 1905, tout à côté du Vélodrome... Dès 1906, dans l'usine nouvellement construite, on assemble des voitures et on carrosse "à façon".
Le troisième homme, Henri Jeannin, né à Dampierre-sur-Doubs en 1872 et émigré à Berlin ou il a fondé la société "Argus", produisait des moteurs pour auto et canots automobiles. Ami du célèbre H. Deutsch de la Meurthe, il livre son premier moteur allégé pour l'aviation qui équipe en 1907 le dirigeable "Ville de Paris".
A Mulhouse, toutes les conditions sont réunies pour construire un aéroplane, la toile du textile, probablement en provenance de l'usine Thierry-Mieg de Dornach, et les spécialistes mécaniciens de Chatel. Mais quel engin produire ?
A Frankfort, August Euler a acquis la licence Voisin. A Strasbourg, EEC Mathis mise ses espoirs sur les "Antoinette" de Santos Dumont.
L'équipe de Mulhouse tourne ses regards vers le solide et glorieux "Farman", qui peut aisément recevoir le moteur Argus 55 CV de Henri Jeannin , 4 cylindres en ligne, refroidi par eau, à la place du Gnome rotatif français refroidi par air. Un modèle Argus 55 est exposé au Musée de l'air de Meudon.
La société de construction aéronautique "AVIATIK GmbH" est fondée le vendredi 10 décembre 1909, dont les buts sont : l'achat et la vente d'avions et d'accessoires, la mise en place de concours et la production d'appareils sous licence, avec comme directeur : Jules Spengler et ses associés : Georges Chatel et Heni Jeannin.
AVIATIK signifiait tout simplement "aviation" en allemand.
Le capital d'origine est de 30.000 marks, à peine le prix de 2 aéroplanes.
Ce nom allemand AVIATIK avait succédé à celui de TAUBE. Plus tard en 1916, il fut remplacé en partie par FOKKER, constructeur néerlandais.
Comme ces trois hommes n'ont jamais piloté, c'est le frère d'Henri Jeannin, Emile qui est pressenti.
Emile Jeannin, né à Mulhouse en 1874, champion cycliste que tous les sportifs mulhousiens appelaient "Mimi", est aussi coureur sur automobile et canots à moteurs. Il ne lui reste plus que le ciel à conquérir !
Chez Farman à Mourmelon, un appareil est acheté, le moteur Argus est monté et, sans entraînement préalable au vol, Emile Jeannin prend seul les commandes du grand biplan "cage à poule". Il se peut que Farman et son école de pilotage n'ait pas voulu l'instruire en raison du moteur Argus. Quelques essais de roulement et il s'envole hardiment en tenant l'air 10 minutes. Résultat fantastique pour un novice.
Crânement, il "va remettre ça", le même jour, comme les frères Wright et par 2 fois, 12 minutes de vol, puis 50 minutes ! Suite à la très bonne tenue du moteur de son frère, il envisage un vol de 2 heures le lendemain. Malheureusement, un incident de refroidissement l'empêche d'accomplir son exploit. Ne pouvant poursuivre sa formation à Mourmelon, il quittera la France pour poursuivre sa formation à Berlin-Johannisthal ou il obtient son brevet de pilote le 27 avril 1910.
On le sait peu, mais l'aérodrome de Habsheim a accueilli les exploits de pionniers de l'aviation, et Mulhouse fut un berceau de l'aéronautique mondiale. Une histoire étonnante qui a commencé il y a près d'un siècle, à l'époque des débuts de l'aviation, l'Alsace est allemande. Le terrain d'Habsheim alors sert de champs de manœuvre pour l'armée prussienne. Mais son destin va vite changer.
Lorsque Louis Blériot effectue la première traversée de la Manche en aéroplane, en 1909, Mulhouse est une ville en plein essor économique grâce au textile. Et cinq mois après cette traversée historique, Georges Chatel, concessionnaire Peugeot à Bourtzwiller, fonde avec le Bâlois Ludwig Holzach, la société Automobil und Aviatik GmbH. Chatel, attiré par l'aviation, s'est mis en tête de voler. Rapidement, il s'associe à Henri Jeannin, producteur à Berlin des moteurs Argus.
Toutes les conditions sont alors réunies pour construire un aéroplane : toile textile et mécaniciens spécialisés. Les premiers assemblages ont lieu au printemps 1910 à Bourtzwiller, où l'on construit des biplans Farman (cellule française) à moteur Argus (allemand). Ces appareils sont aussitôt testés sur le terrain de Habsheim.
De 1910 à 1914, l'Automobil und Aviatik AG, construit des avions qui vont cumuler les records du monde à Habsheim : record du monde d'altitude en avril 1910 avec un vol à 160 mètres, record du monde de vitesse en 1914 avec un vol Habsheim-Fribourg en 14 minutes, soit 230 km/h, etc. En 1912, un certain Stoeffler rallie Habsheim à Varsovie en 7 h 30, en se payant même le luxe d'effectuer une partie de son vol de nuit !
à la déclaration de guerre en 1914, les ateliers de Bourtzwiller produisaient 6 à 7 appareils par semaine. Ils étaient parmi les plus performants de l'époque, mais tout s'arrête avec la guerre, l'usine est déménagée vers Fribourg, puis Leipzig, où seront construits les fameux Albatross. Après 1918, la fabrication des avions ne reprend pas et Aviatik est absorbé par Fokker.
Cette glorieuse époque fut également celle des premiers rassemblements aéronautiques internationaux, et naturellement Habsheim n'a pas été en reste. Un premier meeting local y fut organisé les 2, 3 et 4 juillet 1910, avec sept pilotes dont l'Alsacien Jeannin.
William Boeing (Detroit 1er octobre 1881 - Seattle 28 septembre 1956), se serait inspiré des aéroplanes construits par Aviatik, pour créer la célèbre firme aéronautique américaine.
On sait que les frères Böing, d'origine allemande, ont connu deux destins différents :
Le fils de Wilhelm, William, grâce à son oncle Ludwig, a pu effectuer à partir de 1910, plusieurs stages chez Aviatik et fréquenter l'aérodrome de Habsheim, ce qui lui aurait inspiré sa passion pour l'aéronautique.
En 1915 William retourne aux Etats-Unis et fonde à Seattle, avec George Conrad Westervelt, un ingénieur de marine, la firme aéronautique Boeing en construisant un appareil qui serait une copie de l'Aviatik mulhousien. Selon la légende, il semblerait même que ce premier Boeing ne soit autre qu'un Aviatik, mis en caisse à Mulhouse avant d'être envoyé à Seattle en pièces détachées. Malheureusement, aucune source sérieuse ne le confirme.
Créée officiellement le 15 juillet 1916, la société est baptisée « B&W ». Peu après, son nom deviendra « Pacific Aero Products », et enfin « Boeing Airplane Company ».
En 1917, avec l'entrée en guerre des états-Unis, la Navy commanda 50 hydravions d'entraînement Model C, la première commande de Boeing. En 1923 Boeing fabriqua un avion de transport postal le Model 40A et en 1927 elle remporta un contrat pour assurer la liaison aéropostale San Francisco-Chicago.
Comme on vient de le voir, certains éléments permettent d'entretenir l'étonnant mythe de l'inspiration mulhousienne de l'extraordinaire aventure de Boeing !
La présence de Ludwig Böing, l'oncle, à Dornach est attestée par le Maire de l'époque, Carl Hack, qui relate dans sa Chronique de novembre 1898 :
Das Haus Weiss-Fries, einer bekannter Stoffdruckerei, steht auf dem Punkte zu – liquidieren. Derselbe war schon immer knapp im Gelde, und kann die beiden Enden jetzt, wie es scheint, nicht mehr zusammenbringen. Herr Böing, welcher die Thierry- Mieg'sche Druckerei seit einigen Jahren als Pächter auf eigene Rechnung betreibt – N.B. Böing ist ein altdeutscher – war angegangen worden, die Sanierung der Fabrik in die Hand zu nehmen, hat dies aber abgelehnt. Die Leiter der Fabrik haben offenbar nicht verstanden, sich dem deutschen Markte ( ein anderer kommt nicht mehr in Betracht, so sehr man dies zu leugnen bemüht ist ) anzupassen, resp die deutsche Concurrenz erfolgreich zu bestehen. Mit dem Schielen nach Frankreich und der Pflege franz Reminiscenzen ist heute in materieller Beziehung nichts mehr zu machen.
Die Firma Weiss-Friess in Kingersheim ist nun thatsächlich in Liquidation (Konkours) getreten. Liquidations Kommissar ist Rechtsanwalt Klug hier.
§ La fabrique de Weiss – Fries est définitivement fermée
Bei der Versteigerung der Weiss-Fries'schen Fabrik ist der Zuschlag nicht ertheilt worden, so dass doch noch die Aussicht besteht, die Fabrik wieder in geratenden Betrieb zu bringen .
Traduction :
La maison Weiss-Fries, une usine d'impression d'étoffes est sur le point d'être liquidée ; elle était depuis toujours en fonds insuffisants et ne peut plus payer ses dettes. Monsieur Böing, qui gère l'impression Thierry-Mieg pour son propre compte, a été contacté pour reprendre l'affaire (il est un allemand immigré) et la rendre saine, mais il a refusé cette offre ; Les patrons de l'entreprise n'ont, semble-t-il, pas réussi à s'adapter au marché allemand, vu qu'un autre marché ne peut plus être pris en compte, même si cela est nié pour le moment, car ni le marché allemand ni le marché français ne sont plus intéressés par cette activité. La firme entra en liquidation, mais la vente ne put se réaliser et elle a pu continuer son activité.